Cela faisait un moment que je voulais rédiger un article sur les méthodes d’apprentissage au sommeil.
Et c’est en lisant plusieurs posts d’affilé sur les réseaux, que je me suis dit qu’il était temps!
« Les filles s’endorment à 20h30, surtout parce qu’elles savent qu’on n’y retournera pas pour un oui ou pour un non »… Voilà le genre de posts que j’ai rencontré dernièrement, et j’avoue que ça me fait toujours un peu froid dans le dos quand je lis des choses comme ça, sur des comptes très suivis…
Ce genre d’idées reçues continue malheureusement d’être diffusées, et pourtant on sait depuis plusieurs années maintenant que les méthodes d’apprentissage au sommeil sont plus délétères que bénéfiques… Et laisser pleurer un bébé « pour lui apprendre à dormir seul.e », c’est une méthode d’apprentissage au sommeil ! On dit aussi méthode de dressage au sommeil, ça en dit long !
Quelles sont ces méthodes ?
Elles existent depuis le dernier quart du XXème siècle. Ce sont des pédiatres qui sont à l’origine de la plupart d’entre elles, comme Valman (1981), Ferber (1985), Estevill (1995)… la plus connue étant la méthode Ferber, au milieu des années 80. On ferbérisait alors les bébés… On parle aussi de la méthode 5-10-15, en rapport avec la durée progressive pendant laquelle on va laisser pleurer le bébé : 5 min, puis, s’il pleure, on revient le voir sans le prendre dans les bras (ha non, malheureux, pas de ça chez nous!), on repart quand il est calme. S’il recommence à pleurer, on revient au bout de 10 min… puis au bout de 15 min. On recommence le lendemain, mais en commençant par 10, puis 15, puis 20… On peut continuer comme ça plusieurs jours, jusqu’à atteindre … 45min !
De nos jours, ces méthodes sont heureusement bien controversées (et dépassées!), et la plupart des parents sont assez renseignés pour ne pas les mettre en pratique, même si Mémé Ginette leur a dit que c’était une recette miracle. Sauf qu’il y aura toujours des personnes pour inventer une nouvelle méthode pour apprendre à dormir à votre bébé, et que si vous creusez bien, vous vous rendrez vite compte qu’à un moment ou à un autre, il s’agit de le laisser pleurer plus ou moins longtemps… Il y a même des coachs/consultant.e.s en sommeil qui prônent la bienveillance et le respect des besoins du bébé, en vous disant dans le même temps, qu’il faut le laisser pleurer pour s’endormir !
Bon, moi, rien qu’en écrivant ces lignes, j’avais la nausée.
Mais pourquoi donc, me direz-vous ?
(Si si, je sens qu’il y en a parmi vous qui ont envie de me demander)
Notamment, parce que pendant mes formations Sommeil du bébé, j’ai découvert une étude qui nous a démontré comment fonctionnaient ces méthodes. L’idée était justement de comprendre quelles étaient les conséquences de ce « laisser pleurer » sur le bébé. On a donc dosé les taux de cortisol (hormone associée au stress) dans la salive de plusieurs mamans et leur bébé, avant le coucher, puis après l’endormissement (du bébé), tout en suivant la méthode 5-10-15.
Que s’est-il passé ?
Le 1er jour, les taux de cortisol était similaires chez les mères et les bébés : bas avant le coucher, très élevé après avoir laisser pleurer les bébés 5, puis 10, puis 15 min. (Pas besoin de faire une étude randomisée sur 10 000 cas pour savoir qu’une mère stresse en entendant son bébé pleurer non plus.)
L’expérience a été répétée pendant 5 jours (ce qui amène à 35 min de pleurs chez Ferber…). A la fin, les taux de cortisol chez les mères n’entendant plus leur bébé pleurer étaient revenus à un niveau acceptable, donc bas. Mais chez les bébés, le taux de cortisol était toujours aussi élevé qu’au 1er jour ! Le stress chez les bébés est donc toujours aussi haut, mais ils ont juste renoncé à l’exprimer, puisque non-entendu !
On rappelle au passage que les pleurs chez un tout-petit sont un moyen de communication. C’est l’ultime moyen de communiquer, car pleurer est très énergivore.
Pour aller plus loin,
vous pouvez vous référer au livre du Dr Rosa Jové, « Dormir sans larmes », qui nous confirme que ces méthodes de dressage au sommeil peuvent être délétères : on constate bien souvent des troubles du sommeil chez les bébés/enfants à qui on a fait subir ces méthodes. Un comble ! Mais n’est-ce pas logique finalement ?
En effet, l’endormissement est un phénomène autonome, au même titre que l’élimination et l’alimentation. On ne peut pas apprendre à un bébé à manger, ni à éliminer, ni à s’endormir : c’est un non-sens. Donc, mettre des procédures en place pour apprendre quelque chose qu’il ne peut pas apprendre peut logiquement entraîner des conséquences … néfastes.
Pour résumer, il n’existe pas de « méthodes » pour apprendre à un bébé à s’endormir. Tout comme il n’y a pas de recettes miracles pour qu’il soit autonome dans son endormissement. Les personnes qui laissent croire ça vendent surtout du rêve aux parents fatigués, voir épuisés. On peut seulement mettre des choses en place pour accompagner le bébé dans son endormissement, améliorer cette phase petit à petit et attendre qu’il soit prêt à s’endormir en respectant ses besoins, bien sûr !
Sources :
« Dormir sans larmes », Dr Josa Rové
Middlemiss W, Granger DA, Goldberg WA, Nathans L, Asynchrony of mother-infant hypothalamic-pituitaryadrenal axis activity following extinction of infant crying responses induced during the transition to sleep, Early Hum Dev 2012 ; 88(4) : 227-32.