Parce que le partage de récit de naissance fait partie intégrante de la génèse de Nova Naissance, j’ai décidé de vous partager ici celui de mon premier accouchement. En effet, c’est en lisant des récits de naissance sur un célèbre forum, que j’ai découvert l’Accouchement à Domicile, et c’est ainsi qu’a démarré cette grande aventure, en … 2010!
En effet, partager son récit de naissance a plusieurs intérêts : déposer par écrit ce moment unique et souvent intense quelques temps après l’accouchement (pas trop longtemps, les souvenirs des détails s’effacent vite!) permet parfois d’expier certains ressentis enfouis, mais cela permet aussi de montrer à d’autres ce que les femmes sont capables de faire lorsqu’elles enfantent.
Voici donc ce que j’ai rédigé juste après mon premier accouchement, 2 mois après pour être exacte.
« Récit d’un accouchement … comme les autres…
Voilà, je m’y colle enfin.
Mais ne vous attendez pas à sortir les mouchoirs, ceci est un récit d’accouchement. Point.
Ce n’est pas le récit d’une naissance.
Comme le savent la plupart d’entre vous, je désirais accoucher à domicile, mais la vie en a décidé autrement. Rien de dramatique là-dedans bien sûr, mais un espoir déçu, et un cœur de femme blessé.
Depuis longtemps déjà, alors même que je n’étais pas sûre de vouloir d’enfant, je savais que si j’en avais, je le mettrais au monde le plus naturellement possible, et au moins sans péridurale. Pour moi, l’accouchement était cette étape de la vie qui nous plonge dans le monde des adultes. Une sorte de rite initiatique comme il en existe dans toutes les cultures. Une épreuve à franchir pour prouver son mérite à être mère, qui nécessite forcément de la douleur. D’ailleurs, je pensais que s’il y avait bien un moment dans la vie où il était utile de souffrir, c’était là, au moment de donner la vie.
Il me semblait même que dans une société où tout était plus facile, plus accessible, l’accouchement était la dernière occasion de se prouver sa valeur, son courage aussi…
Et puis, mes lectures sont venues me confortaient tout au long de ma grossesse dans mon choix : accompagner mon enfant dans cette aventure qu’est la naissance, comme la nature l’a prévu.
Oui, je mettais la barre très haute. Mais c’est aussi comme ça que je fonctionne.
Et rien ne laissait présager qu’il en serait autrement, comme quoi… une grossesse sereine, sans aucune ombre au tableau, ma poupette faisait son nid tranquillement, tout allait bien.
J’avais suivi les cours de préparation avec F., j’avais prévu la piscine à la maison, la famille, les amis étaient prévenus qu’il était inutile de venir les jours suivant l’accouchement. Je voulais qu’on puisse profiter tous les 3 de notre bulle le plus longtemps possible. Tout cela me paraissait tellement évident. J’en étais arrivée à un point qu’un éventuel transfert en maternité me paraissait insupportable.
Début avril, il me restait normalement un mois encore pour profiter de cet état de plénitude, mais je sentais que poupette arriverait bien avant. D’ailleurs, ça m’arrangeait, je voulais qu’elle soit Bélier !!!
Et puis, le mercredi 7 avril, vers midi, j’ai senti que je perdais un peu de liquide, mais ça ne m’a pas alarmé, dans la mesure où il restait encore 4 semaines, et que j’avais eu la même sensation un mois auparavant, sensation qui s’était estompée en quelques heures.
Et puis, comme le soir je sentais toujours ce liquide coulait de temps en temps, j’ai commencé à m’inquiéter : si c’était bien du liquide amniotique, et que le travail commençait, je n’étais pas sûre que F . me suivrait pour l’AAD. Elle m’avait d’ailleurs dit que ce serait « ok » à partir du 10 avril…
Je me couche des larmes plein les yeux. Ce projet me tient tellement à cœur, et puis, je ne suis pas vraiment prête je crois. J’en parle à Chou, on décide d’attendre le lendemain matin.
Le jeudi matin, toujours cet écoulement. On part à Beauregard pour vérifier. J’ai toujours l’espoir que ce ne soit pas la poche des eaux, que ce n’est pas encore le moment, que je pourrai mener mon projet à terme. Mais la confirmation est vite là : fissure des membranes, c’est bien du liquide amniotique. Bien sûr, l’équipe soignante m’annonce que je dois rester, mais c’est mal me connaitre. Après quelques minutes de discussion, je signe une sortie contre avis médical, non sans avoir entendu le désormais classique « vous prenez des risques inconsidérés ». Mais tout ce que je veux, c’est rentrer chez moi, dans mon cocon, et me mettre au travail ! Entre temps j’ai eu F. au tel, elle accepte de nous accompagner. Je rentre donc sereine et apaisée : je vais pouvoir accueillir ma puce chez nous.
Le texte qui suit, je l’ai rédigé presque en temps réel, j’ai donc décidé de vous le retranscrire tel quel.
« 08/04 : en rentrant de Beauregard, j’ai d’abord mangé et essayé de dormir. Vers 15h30, Chou fait de la chantilly !!! J’en déduis qu’il essaie de trouver une occupation pour ne pas trop cogiter ! moi sur le ballon, devant l’ordi, visitant le forum… tranquille, RAS (plus d’écoulement, pas de contractions).
+ tard : je finissais mes fraises à la chantilly quand F. est arrivée : elle m’a examinée, m’a rassurée, comme d’hab : à peine effacée, un col qui n’est quand même pas en travail… F. repart, Chou va chez le médecin (anti-AAD, il refusera de délivrer l’ordonnance pour les bouteilles d’oxygène, et oui, y a des débiles partout). Je reste seule, retourne aux toilettes pour la énième fois. Des contractions commencent à se faire ressentir. A genoux sur le matelas au sol, les coudes sur le lit, j’essaie de me concentrer, de rentrer dans ma bulle (la fameuse bulle). Ça fonctionne bien.
Et puis Chou rentre, je sors complètement du truc. Il essaie de trouver un autre médecin et repart. Je ne pense qu’à une chose, me coucher ; ce que je fais. Et qu’est-ce que je suis bien ! je n’arrive pas à m’endormir, mais je suis trop bien. Par contre, je n’ai plus aucune sensation de travail…
Chou revient vers 18h40, avec une ordonnance qui ne servira à rien ce soir, puisque la société qui loue les bouteilles est fermée!
On fait (enfin) un câlin. Je me lève, tranquille, appelle ma sœur. Elle est émue et ravie! On rigole bien d’ailleurs ! Mon neveu de 4 ans veut me dire quelque chose : « Merci Tatoune pour ton bébé », je réponds à ma sœur « mais de rien, si j’peux rendre service ! »
De mon côté, plus rien, pas de contractions, pas d’inquiétude non plus, juste une zen attitude ! on mange (trop envie de pâtes pour une fois), et Chou repart chercher une pharmacie de garde, le pauvre, il aura passé sa journée à courir les pharmacies !!! »
Voilà ce que j’avais écrit sur le moment, j’aurais mieux fait de me concentrer sur la situation…
Vers 23h, F. nous a rejoint, m’a fait un monito de contrôle : enfin quelques contractions, même si je ne les sens pas. On va tous se coucher. F. nous réveille vers 6h, j’ai bien dormi, trop bien dormi, le monitoring ne détecte plus aucunes contractions. F. me dira plus tard qu’elle pensait que je l’aurais réveillée vers 3h du mat, avec des contractions de travail, mais au lieu de cela, moi, j’ai trop bien dormi …
Je sens qu’elle ne suit plus, Chou non plus d’ailleurs : ça fait bientôt 48h que la poche des eaux s’est fissurée, et les risques d’infection commencent à être trop important. Je me résigne au transfert, la mort dans l’âme. Je prépare mes affaires pour la maternité (je n’avais pas préparé la fameuse valise, persuadée que je n’en aurais pas besoin) comme un robot, je suis complètement déconnectée, F. et Chou s’affairent aussi de leur côté. Je me retrouve seule dans la salle de bain, et craque complètement. Je suis à la fois si triste, et tellement en colère !!! L’espoir d’accoucher chez moi s’est évaporé à ce moment-là : je me suis résignée.
Ecœurée, on part à Beauregard, et là, je rentre dans la situation exacte que je ne voulais surtout pas vivre : les examens (douloureux en plus), les monito qui durent des plombes, le personnel qui rentre et sort, la lumière, le bruit, bref, rien qui ne permet de déclencher le travail. Et d’ailleurs, jamais je n’aurais à nouveau de contractions naturelles.
Je ne me souviens plus trop de cette journée, pas en détail en tout cas. Je sais juste que j’ai pleuré beaucoup, et souvent. Que le personnel, malgré ses intrusions intempestives dans la salle de travail (dite « salle nature » parce qu’il y a la possibilité d’écouter de la musique… latino !!!) s’est montré super compréhensif, là où je pensais que j’allais être reçue comme une paria irresponsable.
Début d’aprème, toujours aucunes contractions, les hostilités commencent : le col est à peine effacé, ils décident d’utiliser un tampon pour déclencher le travail. Je passe dans une petite chambre, et les douleurs commencent. Gérables au début, elles deviennent rapidement difficiles à supporter. Je vomis une première fois de douleur. J’essaie de me rappeler mes lectures : laisser la contraction venir, l’accepter, la laisser monter et redescendre, comme une vague… visualiser ma puce, et l’inciter à descendre entre chaque contraction… ça fonctionne !
Et puis, tout à coup, « ça » ne fonctionne plus, les contractions sont de plus en plus douloureuses, je suis submergée, je n’arrive absolument pas à gérer. A nouveau, je vomis (dommage pour le balisto que je m’étais empressée de manger en cachette juste avant, sachant qu’ils me l’interdiraient !!!). Chou ne m’est d’aucune aide, mais je ne lui reproche pas : c’est mon épreuve, mon aventure.
Vers 17h, on passe au niveau supérieur : en salle d’accouchement, l’examen montre une dilatation à … 3 !!! quoi ? toute cette souffrance pour ça ???? mais, elle est où la douleur utile dont on m’avait parlé ??? ils me branchent la perf d’ocytocine (=Syntocinon), et là, je renonce totalement : oui, je veux bien la péridurale… je suis exactement dans le schéma que je ne voulais surtout pas vivre…
En moins de 3h, je passe à dilatation complète. Ma puce arrive, je ne suis pas vraiment prête, mais de toute façon, je n’ai pas le choix. Là, à nouveau, je suis exactement dans le schéma que je ne voulais surtout pas vivre… trop de personnes autour de moi, position gynécologique, lumière, bruit, « inspirer, bloquer, pousser », et le pire de tout, l’expression abdominale. Pourtant, elles m’ont demandé mon accord, mais je suis dans la renonciation totale, entièrement spectatrice de cet accouchement, écœurée que ça se passe ainsi. Je me souviens avoir entendu la SF qui procédera à l’expression abdominale : « moi, je suis de la vieille école »… c’est bien de le reconnaître déjà… pourtant, depuis le début, et avant même d’avoir l’AAD comme projet, les récits de femmes qui avaient subi cette intervention m’horrifiaient, me révoltaient. J’avais dit à Chou, au début de ma grossesse « surtout, quoiqu’il arrive, tu ne les laisses pas me monter sur le ventre ! »…
A chaque « poussée », je ferme les yeux, comme pour nier cette situation, une des SF me dit de garder les yeux ouverts, je n’ai toujours pas compris pourquoi… poupette arrive, la gynéco me dit de toucher sa tête, je n’ai pas trop envie, mais bon, je me laisse guider : comme je suis sous péridurale, je ne sens aucune différence entre la tête de mon bébé et mon propre corps, du coup, cette sensation ne me procure aucune émotion.
Et puis, ça y est, elle est là, je la prends et finis de la sortir de ce corps qui lui a servi de nid pendant tous ces mois. Ils demandent à Chou s’il veut couper le cordon, pourtant j’avais demandé à le laisser battre un peu, mais ils n’ont pas accepté. Elle est toute visqueuse. Elle est sur moi, mais met un peu de temps à respirer. Les glaires la gênent vraiment.
Je ne réalise pas trop. Pourtant, c’est bien ma fille qui est là. Ils la récupèrent pour les « soins », je l’entends hurler, et supplie Chou de lui parler pour la rassurer, lui dire qu’on est là. Pendant ce temps, la gynéco me recoud, une des rares choses que j’aurais obtenue : elle n’a pas fait d’épisio, j’ai une petite déchirure qui nécessite 3 points. Je ne sens pas la délivrance, qui vient rapidement pourtant, je m’en rends compte quand la gynéco parle de culture pour vérifier que le placenta n’a pas été infecté.
On me ramène mon bébé, je la garde sur moi, lui fait sentir mon sein, mais elle n’est pas encore prête à téter. Elle a toujours du mal à respirer, gênée par les glaires. Ils ne me la laissent pas longtemps : elle se refroidit trop vite. Ils veulent la mettre en couveuse au service néonat, et me propose une chambre kangourou pour être au plus près d’elle cette nuit. J’accepte forcément.
Je me retrouve seule dans la salle d’accouchement, le temps que la péri ne fasse plus effet. Je pleure. Malgré l’arrivée de ma puce, rien n’efface le chagrin de ne pas l’avoir accueillie correctement. J’ai presque honte de ne pas avoir été à la hauteur. Alors qu’elle, s’est battue pour naître. Je suis si déçue, je me suis déçue.
Vers 23h, on se retrouve enfin tous les 3, heureux. On prend des photos de notre nouvelle petite famille. J’en profite, j’aurais tout le temps de soigner cette blessure plus tard. Je mange, Chou peut rester dormir dans la chambre (heureusement !!!). Je suis un peu fatiguée quand même. Je m’endors en pensant à toute cette journée, et à ma puce qui est seule dans sa couveuse, et qui doit se demander ce qu’il se passe…
Au milieu de la nuit, on me réveille pour une tété : Thalie a faim ! c’est le moment que j’attendais ! et tout se passe sans problème ! par contre, je suis super impressionnée par la force de succion que peut avoir cette toute petite chose !!!
Voilà, à partir de là, les choses vont plutôt bien se passer : poupette va bien, dès le lendemain matin, je peux la garder avec moi. Du coup, on déménage en chambre double. F. est passée me voir le samedi, vers midi : elle aussi a mal vécu cet accouchement-là. C’est la seule personne qu’on autorisera à venir à la mater (et on a bien eu raison : ma voisine de chambre a eu une 20N de visites par jour, je vous explique pas les nuits que lui a fait passé son petit après ce traitement ! d’ailleurs, j’en aurais à raconter sur ma voisine de chambre… ! les sœurs du papa qui mettent une tétine dans la bouche du bébé sans demander l’avis de la maman, elle qui veut allaiter mais qui donne des biberons, la vieille tante qui lui dit que son lait peut tourner…c’était un vrai festival de conneries !!! pourtant, elle était super gentille la voisine, mais super mal entourée la pauvre !).
Le dimanche, je m’inquiète car Thalie n’a pas tété depuis plus de 10h : une spécialiste de l’allaitement passe me voir, et règle le problème en 2 2 !!! Soulagement !
Je sors le lendemain midi, en sortie anticipée (je serais bien sortie le dimanche, mais ils ne bossent pas au bureau des admissions le dimanche… et puis, ils n’auraient pas laisser sortir ma puce, à cause de son petit poids…) : ça tombe bien, je n’en peux plus des cris du bébé voisin, alors que la mienne dort paisiblement, et que je pourrais me reposer !!! Et puis surtout, je veux rentrer chez moi, avec ma belette, et profiter de ma nouvelle petite famille !
Je ne regrette pas mes choix, mais cet accouchement restera une blessure pendant encore longtemps. D’ailleurs, l’attachement à mon bébé n’est pas venu au moment de l’expulsion, mais se crée chaque jour un peu plus, en la découvrant, en apprenant à la connaître.
Je vous demanderais juste de ne pas me raconter d’AAD réalisés après plusieurs jours avec une poche des eaux fissurée… quand je vois que ma BM, il y a 34 ans, est restée plus de 3 jours avec une poche des eaux rompue, et qu’à cette époque personne ne s’alarmait pour ça, ça me suffit.
Pour conclure, la naissance que je n’ai pas vécue ce jour-là, je la vis tous les jours avec ma fille : naissance d’une maman que je n’aurais jamais pensé être, naissance d’un petit être qui grandit grâce à moi (à nous). »
Vous l’avez compris, le vécu de cet accouchement est plutôt négatif. Il a fallu du temps, et surtout un 2ème accouchement, celui-là respecté, pour que je guérisse cette blessure. C’est aussi pour ça que j’ai décidé de proposer « Prépare ton projet de Naissance » et l’accompagnement individuel au Projet de Naissance : pour guider au mieux les parents dans cette aventure.